Ha! Ha, ha! Ha, ha, ha, ha!

Pourquoi est-ce que je veux faire de la bd?

La première question que nous devrions nous poser lorsque nous désirons faire quelque chose sans y parvenir: pourquoi voulons-nous le faire?
Je ne parviens pas à me consacrer à la BD. C’est à douter de mes convictions. J’ai peur de m’illusionner sur moi-même, et peur aussi de décevoir les gens qui comptent sur moi.

Je n’ai pas besoin de justifier mon amour de lecteur de BD, les sentiments se passant de la raison quand ils touchent au goût. Mais je tiens à comprendre mon désir d’être un créateur. Je pourrai fort bien admettre que d’autres le font mieux que moi, et me contenter d’être un lecteur. Je suis un bon lecteur, et c’est un bonheur de lire de bons auteurs.

Une puissance m’agite pourtant, qui ne me laisse de répit ni en ce monde ni en mes rêves.

J’ai déjà réfléchi dans un billet ultérieur à la possibilité qu’offre la BD de réconcilier l’écrit et le dessin, deux des méthodes préférées de l’homme pour s’exprimer. Il ne s’agit pas d’unifier les deux mais de les mettre en valeur aussi bien dans ce qui les rassemble que dans ce qui les oppose. C’est ce qui rend la bd unique.

Est-ce mon désir d’explorer les possibilités de la BD? Je ressens un désir de coucher mes pensées sur des planches, sans que cette force soit suffisante pour se concrétiser par des œuvres abouties. En témoigne mes BD sur ce site, généralement très courtes et en noir et blanc. C’est donc la peur de s’engager totalement.

Le Rubicon.

La peur de s’engager totalement: la peur de n’avoir rien à dire, la peur de ne pas être entendu, la peur de poursuivre une chimère. La peur d’avoir fait des rêves trop grands pour moi. Il est facile de se dire « je ne suis pas mon œuvre ». Je sais, bien sûr, que c’est la vérité: nous ne sommes pas notre devoir raté de français, nous ne sommes pas non plus notre carrière réussie, et si quelqu’un n’aime pas mon gâteau au chocolat, ça ne dit rien sur l’amour qu’il me porte. Je le sais et pourtant, quelle pudeur est la mienne.

La confiance en soi d’un Alan Moore ou d’un Warren Ellis doit être colossale: se dire « je vais ajouter quelque chose à la BD », et le faire vraiment. Je considère n’avoir jamais lu en BD quelque chose qui me corresponde totalement: aussi folle que soit ma prétention, je ressens un manque à combler.

Quels sentiments agitèrent César lorsque ce dernier décida de franchir le Rubicon, ligne rouge aussi bien géographique que symbolique et après laquelle plus aucun retour en arrière n’était possible?

Une case de BD en moins?

Une demoiselle me reprocha un jour ma modestie, qu’elle jugeait néfaste pour moi. Avec le recul, elle avait mis le doigt sur quelque chose d’important. Il est tentant de s’imaginer être spécial; c’est une compensation si agréable quand on a l’égo chatouilleux.
D’autant qu’il m’a souvent été dit que j’étais spécial, unique, bizarre, intelligent, que j’étais un génie. Je ne me vois pas ainsi. Pour moi, ce sont les gens autour de moi qui sont durs à comprendre, et je me sens si souvent coupé des autres par un mur invisible. Comme si ils fonctionnaient tous normalement et que quelque chose me manquait dans le monde social. Une case en moins. Une case de BD?

Ha! Ha, ha! Ha, ha, ha, ha!

La vie est comme une BD avec ses dessins et ses textes: il n’y a ni totale unité, ni complète multiplicité, l’écrit y est mélangé aux images, les personnages sont différenciés et pourtant tous sont faits de papier.
L’air que je respire est-il moi? Sans lui, je meurs. Quand commence et quand termine ce qu’il est convenu d’appeler Alexandre? Je pense que cette force qui me traverse ne m’appartient pas totalement, qu’elle ne peut pas exister vraiment si elle ne fait que traverser ma tête. Sans être couchée sur la papier et sans lecteurs, elle ne sera qu’une sensation fugace, quel que soit le transport que je ressens à ce moment-là.
Il est tentant de voir ces expressions de la psyché comme des forces réelles, de voir l’esprit de l’homme comme un pandémonium dont certains des petits démons communiquent avec nous. Mon « démon de Socrate » personnel m’a dit un jour: « vis sans peur ».
Des années durant, j’ai temporisé, remis à plus tard, pour des raisons qui paraissaient excellentes, et ne m’en suis pas trouvé mieux.
Un pas en avant. C’est juste un pas en avant. C’est juste un pas en avant.

Vis sans peur.


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