Voilà la sélection manga des dix petits chefs d’œuvres persos façon madeleines…. A rebours comme ses petites soeurs…
10- AYACHI NO CERES par Yuu Watase
Yuu Watase est une auteure spéciale, qui aime émailler son récit principal d’un tas de notes personnelles et d’anecdotes qui pourrait nous faire croire qu’elle est une apprenti-coiffeuse de 14 ans. Cela ne nous inciterait pas à la croire capable de tisser une intrigue extrêmement bien construite et bien dérangée. La vérité est que Yuu Watase reprend la plupart des canons des intrigues des shojos mangas: lycée, héroïne de 16 ans qui fait des karaokés avec ses copines et tout le reste. Mais une fois le sentiment de lire un truc bien confortable est installé, elle s’amuse à tout envoyer valser. Aya Mikagé est donc une jeune fille lambda qui s’apprête à fêter son anniversaire et celui de son jumeau. Dès qu’elle entrera dans la demeure familiale, elle réalisera que quelque chose cloche. Sa famille est donc réunie pour ce qui ressemble de plus en plus à une sorte de cérémonie d’initiation à l’issue de laquelle Aya n’est pas sûre de survivre. Car Aya est en fait la descendante de la Nymphe Céleste (« Ceres ») que la famille cherche à éliminer. A partir de cet instant s’enclenche une course poursuite à la fois pour fuir le consortium familial dont les buts « eugénistes » ne sont qu’une excuse versée à un vice absolument écœurant. Sous les gags hystériques, une intrigue malsaine à souhait où parfois rien que l’apparition d’un antagoniste en fin d’épisode vient donner des frissons de dégoût. Un coup de force.
9- MERMAID’S FOREST par Rumiko Takahashi
Rumiko Takahashi est la reine des comédies sentimentales au soleil levant, mais elle possède un coté sombre, nourri par le folklore et le théâtre de marionnette propice aux fantômes et autres démons japonais. Dans une ambiance « Kwaïdan » parfaitement retranscrite, Rumiko raconte les errances d’un couple d’immortels parce qu’ils ont mangé de la viande de sirène. Beaucoup d’appelés pour cette dégustation culinaire particulière mais peu d’élus puisque la plupart de ceux qui y goutent se transforme en monstre sans âme. Eternité, malédiction sont le lot de nos deux vagabonds rapprochés par leur destin commun qui vont d’aventures morbides en aventures périlleuses. Le sirènes font planer une menace polymorphe, tantôt fantomatique, tantôt vicieusement humaine. Car évidemment, les hommes avides, envieux et jaloux recherchent ardemment cette substance ou ses dérivés et scellent par là même leurs destins. Ce n’est pas qu’un manga, c’est une estampe séquencée, c’est un conte où Rumiko avoue les influence Hiroshi Hirata de son pinceau. Son autre chef- d’oeuvre.
8- MW par Osamu Tezuka
Derrière son visage angélique Michiko Yuki cache une âme bien plus sombre, violente est torturé. C’est un vrai criminel psychopathe qui organise des kidnappings de jeunes femmes fragiles contre rançon pour mieux les assassiner ensuite. Conscient de son trouble il va pourtant régulièrement confesser ses crimes à la paroisse du père Garaï qui horrifié devient prisonnier de ses vœux et complice de jeune éphèbe qui d’autre part le fascine totalement. C’est surtout la descente aux enfers de ce prêtre tenaillé par le remords, la culpabilité et la tentation (à la fois du mal et amoureuse) pour Yuki manipulateur, effroyable et sans pitié. Dans leur sillage s’amoncelleront les cadavres innocents comme eux-mêmes jadis, lorsqu’un évènement du passé les changea à jamais. Sur un canevas de thriller désespéré Tezuka n’oublie jamais de parler du Japon après la défaite de 1945. Meurtri, humilié et traumatisé, ce pays se relevait pourtant mais laissant de coté tout une faune invisible de victimes devenus monstres. Il glisse donc de ci ce là des commentaires politiques pour le moins amers, tout en faisant une nouvelle fois des prouesses de storytelling, inventif, efficace où chaque planche est construite comme une sorte de tableau narratif. Méconnu mais bluffant et dérangeant à souhait!
7-STRAIN Par Bursonson et Riyochi Ikegami
Plongeons-nous dans ce que les japonais font de plus glauque en matière de « polar noir ». Mayo est un tueur impitoyable pour qui la vie ne vaut que 5 dollars. Sa mission cette fois sera d’éliminer une femme. Là Mayo se trouve plongé dans une histoire de famille tordue aux ramifications insoupçonnées. Coups de théâtre, duels au soleil, mafia, trafic de chair humaine et enfances sordides sont mélangées dans un tourbillon de violence effrénée. Comme à son Habitude Buronson explore un peu les enfances en période de conflit, le sort des enfants d’immigrés au Japon et l’incroyable lien d’amitié qui peut unir parfois même les pires ennemis. Comment marier l’honneur et coups de putes, tous les personnages sont des salauds au grand cœur empêtrés dans leurs propres bourbiers mentaux. Certains vont trouver une solution d’autre s’enfonceront encore d’avantage. Sur 5 tomes ce thriller shakespearien mélé à John Woo tient toutes ses promesses et laisse le champ libre à Ryoïchi Ikegami pour nous ravir avec ses planches instinctivement splendides surtouts sur ces visages superbement travaillés.
6- DRAGON HEAD par Minetato Mizoguchi
Attention Claustrophobes s’abstenir. Ceci est un pur manga d’ambiance dark, malsaine et oppressante. Tout commence par un joli voyage scolaire dans le Shinkansen, lorsque tout à coup dans un tunnel, le train déraille et s’écrase. Trois collégiens seulement semblent avoir survécu à la catastrophe… Mais dans quel état. Eprouvant pour les nerfs et angoissant, ce manga explore l’âme humaine dans un climat catastrophe où, sur 10 tomes les protagonistes tombent de Charybde en Scylla. A la manière de Walking Dead, il n’y a pas de « grand scénario », juste de la survie et une description de la manière dont la société s’effondre au moindre traumatisme. Seul le point de vue de Teru est adopté afin que le lecteur partage au mieux ses peurs, ses doutes et surtout l’inconnu permanent qu’est devenu son quotidien. Et ce sentiment d’enfermement, d’étouffement. Seul la présence de Ako vient mettre un peu de lumière dans ce monde crépusculaire. Clairement une lecture qui accélère le rythme cardiaque.
5- DNA² par Mazakazu Katsura
Personne ne voudra parler de ce petit shonen caricatural, où le héros est tellement timide qu’il vomit dès qu’il voit une fille. Curieusement sa vie amoureuse est au point mort. Mais il ignore qu’il possède en destin hors du commun: Il est un étalon en puissance qui ensemencera plus de 100 femmes et provoquera la surpopulation du Japon dans le futur. Ce futur a crée une police temporelle destiné à enrayer ce fléau. Ainsi débarque la jeune Aoï dans notre présent afin de protéger son futur. Oui, oui c’est le scénar de Terminator à la sauce nawak’. Pourquoi parler de ce manga? parce que Mazakazu Katsura est un auteur assez important et qu’il parvient dans cet ovni à marier ses deux marottes: les love story entre ados et les super-héros. Le tout ne prend pas du tout au sérieux et se permet de faire des détours du coté de Kenshiro (pour les délinquants débarqué de chez Mad Max) et surtout de DBZ pour les métamorphoses. Le second degré peut-être pas assez appuyé a sans doute nuit au succès de ce manga ma foi court, rythmé et finalement assez sympathique notamment grâce des personnages très bien caractérisés. C’est un peu un manga résumé pour celui qui ne voudrait pas se taper toute sa carrière. Katsura reste le roi incontestable d’un domaine que personne ne lui envie: le plan culotte !
4- PARASITE KISEIJU par Hitoshi Iwaaki
Avec un graphisme épuré à l’encre de chine, des coups de pinceau visibles, et des personnages pour la plupart inexpressifs, on obtient une ambiance quelque peu étrange dès les premières pages. Le registre horreur à la Go Nagaï pour les monstres sanguinaires polymorphes s’insinue dans un quotidien pour le moins banal et même presque ennuyeux. Comme de juste le processus d’identification et d’émotion passe par un lycéen Shin’ichi qui parvenant à limiter l’infiltration d’un alien à sa main, doit faire face à une invasion extra-terrestre des plus singulière. Les créatures de l’espace « parasitent » les corps humains afin de les contrôler. Ce qui commence comme une variante de « L’invasion des profanateurs » aborde au fil des volumes des question bien plus profondes comme: Comment l’homme peut-il s’adapter-humainement et politiquement- lorsqu’il est confronté à l’inconnu. Comment cohabiter, qu’est l’esprit qu’est ce qui construit la personnalité d’un individu. Tout autant de thèmes parfaitement distillés dans un scénar horreur/gore qu n’oublie pas les rebondissements et les combats titanesques entre délire cannibale et duel de samouraïs. Parasite est un manga qui passa quasiment inaperçu mais vaut son pesant de cacahuètes.
3- DEVILMAN de Go Nagaï
Devilman est le manga clé dans la carrière de Go Nagaï. Il peut laisser libre court à ses questionnements mystiques fort emprunts de chrétienté, tout en déchaînant une violence d’un sadisme inouï. Devilman raconte en manga, peu ou prou l’Apocalypse de Saint Jean avec un symbolisme fortement appuyé. Le héros Akira Fudo est possédé malgré lui par un démon et va devoir fusionner avec lui pour sauver l’humanité de l’Enfer qui s’est rouverte et d’elle-même. Go Nagaï développe aussi une mise en page expérimentale qui pourrait être pris aujourd’hui pour de la décompression mais qui lui sert à accentuer la démesure de la métamorphose du héros à la fois mentalement et physiquement. La tension monte durant ces scènes pour mieux annoncer la violence cataclysmique et traumatisante qui va suivre. Là encore Go n’oublie pas de tout faire passer par l’image. Tout est graphique, tout est visuel, les pouvoirs, les déformations, On est plongé dans une fin du monde qui tiendrait autant du jugement dernier que du 6 aout 1945. Le trauma est encore là, palpable dans une fable désespérée mais résolument pacifiste. Une très grande œuvre, bien pensée au visuel sous acide percutant.
2- GOLGO 13 par Takao Saito
Pur produit de son époque, on peut se poser la question: Comment un manga peut il être aussi inspiré par les films/romans et personnages occidentaux et rester aussi typiquement japonais. Le héros déjà est une sorte de Dirty Harry mais qui serait joué par Toshiro Mifune. Il reprend le pardessus d’Alain Delon dans le Samouraï comme pour un clin d’œil? Comme ce dernier il est presque muet ce qui instaure dans tout le manga une ambiance particulière. Celui qui pourrait être aussi une variante du Parker de Richard Stark est en fait un rônin des temps moderne, il erre dans se propres aventures servant qui bon lui semble au gré de ses destinations. Il offre ainsi ses services de tueur à gages taciturne dans des missions très variées laissant parfois un indice sur sa vraie identité que l’auteur a l’intelligence de laisser dans l’ombre. Car voilà on est dans un manga polar, espionnage sombre mais contemplatif aux longues scènes d’expositions silencieuses et à la mise en page à la fois sèche et aérienne. Les éléments naturels sont aussi des acteurs, la neige de Russie ou le soleil d’une prison mexicaine imprègnent les différents récits sombres. Chaque cadavre a une histoire. Ce manga plonge le lecteur dans l’esthétique de la violence, crue, mélancolique comme la nature à la fois magnifique et sans pitié.
1- SCHOOL RUMBLE par Jin Kobayashi
Si je devais qualifier School Rumble, je dirais que c’est la comédie scolaire romantique ultime. ultra dynamique, elle se pose en héritière assumée de la grande époque Ranma/Love Hina. Totalement décomplexée, cette série ne s’embarrasse pas d’un carcan trop rigide se permettant de changer régulièrement de protagonistes principaux. Si on démarre sur un sur un triangle amoureux loufoque composé par un Autiste profond (Karasuma), une azimutée du cerveau (Tenma) et un loubard dans ses trips (Kenji Harima), ma situation évolue rapidement au point d’éclipser les deux premiers pour laisser Kenji aux prises avec une ravissante héritière nippo américaine (Eri) et une ahurie timide et télépathe (Yakumo). Tout le monde est amoureux mais pas de la bonne personne, et ce qui est valable pour les personnages principaux l’est aussi pour tous leurs amis, parents, animaux etc… On a cassé le schéma du triangle amoureux au profit du polygone du sentiment non partagé. Ce qui pourrait être hystérique et gavant au bout de trois chapitres, est carrément hilarant grâce à une merveille de caractérisation pour chaque individu de cet univers. Tout aussi attachants les uns que les autres, on se prend à attendre les prochaines péripéties de tel ou tel couple entre des compétitions de hockeys sur piscine, matchs de lutte mexicaine, fête de l’athlétisme ou du printemps tous prétexte à toutes les loufoqueries possibles imaginables. Enfin Merci pour avoir inventer Kenji Harima, c’est de l’or en barre un type pareil toujours prompt aux remises en question les plus improbables (moine, loup de mer, mangaka…), c’est le gars aux raisonnements les plus absurdes qui soient…
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