EDDY’S MENTAL MUD 7

Les comics sont indéniablement le parent pauvre de la bande déssinée mondiale actuelle. En terme de ventes en France, ils se heurtent à la préférence nationale pour l’école franco-belge et aux manga japonais qui cartonnent quoi qu’ils racontent. Qualitativement, c’est affaire de goût et de sensibilité. Personnellement, j’aime le ton et l’écriture des auteurs anglo-saxons et je suis fasciné par leur encrage et leur manière de jouer avec la lumière.  Mais loin de moi l’idée de donner la moindre leçon. Certains titres croupissent au fond des bacs ou ne connaissent pas l’opportunité d’une traduction en France, cela m’attriste mais ce sont les lois du marché.
Mais depuis quelques temps j’observe que nos belles et grandes BD  à papier glacé commencent à lorgner du coté outre-atlantique. D’abord certains auteurs réhabilitent  les comics comme ANDREAS qui cite FRANK MILLER et BERNI WRIGHTSON comme influences et fait allusion à JACK KIRBY dans un tome de CAPRICORNE (le héros amnésique ne revient plus sur son nom et il s’imagine en rêve le hurler à tous les vents. l’un des noms est Jacob Kurtzberg). De toute façon son graphisme et son découpage ne laisse pas beaucoup de doute non plus.
Mais certains tics typiques aux ricains transparaissent de ci de là depuis peu.
Les effets d’annonces:  Déjà dans les INNOMABLES de YANN et CONRAD, on avait eu droit à des numéros spéciaux, des numéors collectors, aux fins alternatives etc…  Certains titres se découpent en saisons (TIGRESSE BLANCHE).  D’habitude les personnages sont indissociables de leurs auteurs contrairement aux hérosMarvel, mais on commence à voir des équipes artistiques qui changent . JEAN VAN HAMME en tête, prête son personnage XIII à d’autres stars du dessin pour une série de one-shots (BERTHET y fait un numéro de toute beauté), et laisse la déstinée de THORGAL à YVES SENTES à partir du tome 30. Certains se transforment en « franchises » comme LUCKY LUKE repris par LAURENT GERRA et ACHDE qui sont sans doute appelés à être remplacés à leur tour. On assiste aussi à une starification des équipes artistiques. Des noms reviennent et on peut voir de plus en plus de stickers fidélisant le lecteur (« par l’auteur de … »). on attire le chaland à grand renfort de publicité.
L’évenementiel: Les ricains sont friands de projets spéciaux, des mini séries sur lequelles on place des grands noms. Ces projets dits « deluxe » cotoient les étagères de SPIDER-MAN ou GREEN LANTERN. le même genre d’experience sont ainsi menés comme « 7 » chez DELCOURT. Porté par un vrai « croyant » en la personne de DAVID CHAUVEL,  les « 7 » sont sept one-shots avec 7  protagonnistes  accomplissant une mission dans chaque ouvrage.
Il emmène avec lui une série de grands noms de la bande déssinée mondiale (ALAIN AYROLES, SEAN PHILIIPS, JD MORVAN…) et obtient un succés pour une collection très orienté pour les fans qui sauront combien de tomes acheter et quelle place leur réserver dans leur bibliothèque. Ce n’est plus le lecteur qui est visé mais le collectionneur.

Ils remettrons le couvert avec une nouvelle série/concept: LE CASSE (6 cambriolages extraordinaires).
L’éditeur SOLEIL va même jusqu’à mélanger les genre avec sa collection FUSION en proposant au X-scribe CHRIS CLAREMONT de se faire un nom chez nous avec les WANDERERS (dont on ne verra probablement jamais le deuxième tome) . PANINI possède une collection similaire nommée TRANSATLANTIQUE ( j’attends le tome des X-WOMEN par MANARA, je l’avoue). LES HUMMANOÏDES ASSOCIES ont tenté la même chose par le passé et nous ont proposé plein de projets bizzares d’ou sortent néanmoins JE SUIS LEGION (JOHN CASSADAY/FABIEN NURY),et CORALINE (TERRY DODSON/DP FILIPPI). Certains essaient également le super-héros à la française, c’est le cas de IDOLES ( GABELLA/EMEM)sorte de DOOM PATROL moderne et pas mal foutue, ou TANATOS ( CONVARD/DELITTE) singeant FANTOMAS pendant la grande guerre.
Le cas SPIROU: SPIROU est un cas quasi unique en franco-belge d’authentique personnage de comic book. Jugez plutôt: SPIROU a été créé dans les années quarante pendant la guerre mondial par un certain ROB-VEL afin de rendre courage à la jeunesse belge. Concurrent de TINTIN, il fera parfaitement l’affaire pour représenter la résistance à l’envahisseur. SPIROU est donc une sorte de CAPTAIN AMERICA, non je veux dire BUCKY belge.
Appartenant à son éditeur, il  passera ensuite de mains en mains, lançant ainsi souvent la carrière de ceux qui lui prêtent vie. D’abord JIJE, puis rapidement FRANQUIN qui va notablement élargir son univers en créant tout plein de personnages qui dériveront sur des spin-offs comme GASTON LAGAFFE et LE MARSUPILAMI (une sorte d’univers partagé en somme). Il va également y apporter la folie des »roaring sixties » à l’instar de STAN LEE et JACK KIRBY aux States. Bref, plus rien ne sera plus jamais pareil et on reviendra souvent par la suite à ce« golden Age », La relève sera assurée difficilement par BROCA et CAUVIN, FOURNIER, puis par PHILIPPE TOME et JANRY qui firent de leur mieux pour moderniser une franchise qui se fatiguait déjà. Ce duo alla  aussi loin qu’ils purent avec ceratins sommets comme SPIROU A NEW YORK ou LUNA FATAL mais franchirent la barrière de l’américanisation à outrance avec le mésestimé mais culotté et parfaitement génial MACHINE QUI RÊVE. C’est un RELAUNCH mais aussi un fiasco pour DUPUIS.
La série sera de nouveau relancée par JD MORVAN et MUNUERA qui tenteront de lui insuffler le souffle du manga mais l’éditeur arrête les frais au bout de quatre tomes en demi teintes. Le dernier tome est même à cet égard un peu étrange. Co-scénarisé par un adepte de FRANQUIN en la personne de YANN, on assiste à un superbe RET-CON * façon JOHN BYRNE. En effet deux SPIROU cohabitent, et le moderne jugé trop « sali » se fait remplacer par son homologue du passé plus pur.
Comme si cela ne suffisait pas, des one-shots hors continuité paraissent pour donner libre cours aux auteurs voulant travailler ponctuellement sur SPIROU mais plus librement et sans avoir le poids de la série régulière. Dans CES « ELSEWORDS », « WHAT IF…« ** on trouve les histoires qui ont fait le plus parler d’elles ces dernières années, soient: LE JOUNAL D’UN INGENU d’‘EMILE BRAVO et LE GROOM VERT DE GRIS de YANN et OLIVIER SCHWARTZ, le faisant revenir au Moustic hotel dans un contexte historique de guerre comme du temps de ROB-VEL. Un retour aux sources pour un public nouveau. N’est ce pas le credo de tous les versions ULTIMATE (où CAPTAIN AMERICA est réécrit de façon plus « réaliste ») et consorts?
SPIROU est donc un exemple particulièrement parlant. Dans une industrie artistique en crise qui a du mal à faire perdurer ses vieilles icônes, toutes les ruses sont bonnes pour faire parler de soi… De chaque coté de l’Atlantique les procédés se ressemblent et les auteurs ne sont pas si éloignés. Ainsi parfois les collisions entre les genres donnent naissance à de jolis petits batârds mais qui pour l’instant ont du mal à trouver un parent qui les reconnaît.
*Retro-Continuité: soit cette manie qu’ont les auteurs de comics de justifier tout en rajoutant des scènes du passé inédites jusque là et pouvant contredire ce qu’on croyait savoir sur le héros.
** Les ELSEWORLDS et les WHAT IF… sont des labels de chez DC et MARVEL narrant des aventures alternatives des personnages. Les premiers sont souvent réussis (GOTHAM AU XIXeme SCIECLE ou SUPERMAN:RED SON) les seconds sont souvent ratés (ET SI DAREDEVIL ETAIT UN AGENT DU SHIELD!)


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